Jérémy Sinigaglia
Artistes, intermittents, précaires en lutte
Retour sur une mobilisation paradoxale
Préface de Lilian Mathieu
P.U.Nancy
2012
Présentation de l'éditeur
Dans la nuit du 26 au 27 juin 2003 est signé au sein de l'UNEDIC un
protocole d'accord qui durcit les règles de l’indemnisation du chômage
des salariés intermittents du spectacle. En quelques jours, la
mobilisation prend une ampleur qui surprend aussi bien les différents
observateurs que les principaux animateurs du mouvement. La « CGT
spectacle » appelle à une journée de grève. Des collectifs et des
coordinations se forment, se reforment ou se renforcent dans de
nombreuses villes et régions de France et organisent la contestation.
Cet
ouvrage, qui repose sur une enquête ethnographique menée pendant trois
ans auprès d’un collectif d’intermittents en Lorraine et de la
coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France, pose la
question suivante : comment un groupe hétérogène (artistes, employés,
ouvriers, techniciens, ingénieurs de divers secteurs du spectacle)
composé de salariés précaires exerçant dans un secteur économique lui
aussi précaire, parvient-il à se mobiliser et à agir collectivement ?
Répondre à cette question suppose d’abord de comprendre le passage
individuel à l’action collective, et pour cela de prêter attention aux
ressources des intermittents et à celles que leur apportent leurs
soutiens, mais aussi d’observer la manière dont ils ont pu retourner un
certain nombre de conditions a priori défavorables à leur avantage. Cela
implique ensuite de saisir la manière dont les individus et les groupes
engagés ensemble mais aussi concurremment dans la mobilisation se
dotent (ou non) d’une identité collective rassembleuse, d’une définition
commune des enjeux de la lutte et d’un répertoire d’action partagé.
L’observation
de cette mobilisation révèle que ni les situations de précarité que
subissent les participants potentiels, ni la désorganisation de leurs
secteurs d’activité, ni l’hétérogénéité du groupe a priori concerné ou
du mouvement dans son ensemble ne forment en soi les conditions
d’impossibilité d’une mobilisation collective ou un frein indépassable à
sa réalisation. Dès lors, l’hypothèse contre intuitive qui forme le fil
directeur de cet ouvrage est la suivante : non seulement la précarité,
l’individualisation et l’hétérogénéité des intermittents du spectacle ne
forment pas en elles-mêmes des freins à leur mobilisation, mais elles
peuvent à l’inverse, paradoxalement, contribuer à remplir les conditions
propices à la réussite de leur mouvement.
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