Paul Gauguin au « centre mystérieux de la pensée »
Les Presses du réel
2013
Un grand livre abondamment
illustré qui renouvelle l'étude de Gauguin, en mettant en lumière la
cohérence qui relie l'ensemble de la production du peintre, basée sur
son exploration des rapports entre perception, cognition et imagination,
et qui relie ses intérêts pour la psychologie, l'ethnologie,
l'histoire des religions et les sciences naturelles, sans oublier
l'art de tous les temps et de toutes les cultures.
Vers la fin de sa vie, Gauguin reprochait aux impressionnistes d'avoir cherché « autour
de l'œil et non au centre mystérieux de la pensée », identifiant ainsi le but et le lieu de
sa propre recherche. Mais qu'entendait-il au juste par « centre mystérieux de la pensée » ?
C'est ce que cette étude entreprend de découvrir grâce à un examen de première main
de l'ensemble de son œuvre, aussi bien céramique et sculpté que peint, dessiné, gravé
et écrit. Il en résulte une compréhension profondément renouvelée d'un artiste qui comparait
son art au langage symbolique de Jésus et distinguait les initiés de ceux pour qui
« le livre est cacheté ». Une cohérence inaperçue relie ainsi l'ensemble de sa production,
des débuts comme « peintre du dimanche » – voire de l'enfance péruvienne – aux
« dessins-empreintes » et aux spéculations philosophiques du dernier séjour polynésien.
Elle repose sur l'exploration par Gauguin des rapports entre perception, cognition et
imagination, ainsi que sur sa curiosité vorace pour la psychologie, l'ethnologie, l'histoire
des religions et les sciences naturelles, sans oublier l'art de tous les temps et de toutes les
cultures. Le regard aiguisé de l'artiste découvre en effet dans l'art non occidental ce qu'à
propos des tapis persans il appelle « un dictionnaire complet de cette langue de l'œil qui
écoute ». Ce langage non verbal permet à Gauguin de produire un « sens parabolique
à deux fins » à l'aide d'une « abstraction » qui, loin de poursuivre un idéal aniconique,
vise l'ambiguïté et la polysémie visuelles. C'est ainsi que l'océan d'un paysage breton
révèle une effigie de l'artiste, que l'enceinte d'un lieu sacré tahitien recouvert de végétation
tropicale met en scène la polarité sexuelle et le processus de génération, et qu'une
tête de nouveau-né se métamorphose en divinité marquisienne en passant par un rocher
anthropomorphe.
« Le creuset de Gauguin est le cerveau », écrivait en 1896 Jean Dolent. C'est à s'en approcher qu'invite cet ouvrage écrit dans un style exigeant mais limpide. En plus de renouveler l'étude de Gauguin, il montre comment dépasser l'alternative du formalisme et de l'iconographie en mobilisant rigoureusement les facultés associatives du sujet perceptif pour atteindre et interpréter la part « suggestive » de l'art.
« Le creuset de Gauguin est le cerveau », écrivait en 1896 Jean Dolent. C'est à s'en approcher qu'invite cet ouvrage écrit dans un style exigeant mais limpide. En plus de renouveler l'étude de Gauguin, il montre comment dépasser l'alternative du formalisme et de l'iconographie en mobilisant rigoureusement les facultés associatives du sujet perceptif pour atteindre et interpréter la part « suggestive » de l'art.
Professeur d'histoire de l'art à l'Université de
Genève, Dario Gamboni (né en 1954 à Yverdon, Suisse) est l'auteur de
très nombreuses
études sur l'art du XIXe au XXIe siècle, entre autres La Plume et le pinceau – Odilon Redon et la littérature (Les Editions de Minuit, 1989), Paul Gauguin au « centre mystérieux de la pensée » (Les presses du réel, 2013),
La destruction de l'art – Iconoclasme et vandalisme depuis la Révolution française (Les presses du réel, à paraître en 2014) et Images potentielles – Ambiguïté et indétermination en art moderne (Les presses du réel, à paraître en 2014). Il a collaboré à plusieurs expositions et été
commissaire adjoint de Une image peut en cacher une autre – Arcimboldo – Dalí – Raetz (Galeries nationales
du Grand Palais, Paris, 2009).
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