Eveline Pinto
Venise, été 2009
En revenant de la Biennale
Comme tout ce que vous faites, Monsieur, votre Cygne est une idée. Comme toutes les idées vraies, il a des profondeurs. Ce cygne dans la poussière a sous lui plus d’abîmes que le cygne des eaux sans fond du lac de Gaube…
(Victor Hugo à Charles Baudelaire, 18 décembre 1859, de Hauteville House)
Venise, nouveau look. Les ressources de la Ville ne sont ni le gaz ni le pétrole, mais un passé artistique glorieux faisant d’elle l’un des hauts lieux de l’attraction touristique. En 2009, l’instrumentalisation de l’un des plus beaux sites du monde à des fins qui n’ont plus avec l’art qu’un rapport nominal s’effectue à ciel ouvert. Pas question d’admirer les dentelles de pierre et les stores tendus entre quadrilobes et rinceaux des fenêtres gothiques ou, à l’angle du Palais des Doges et du Pont des Soupirs, L’Ivresse de Noé, adorable sculpture du XV°siècle. « La publicité la plus vulgaire du monde », au dire du ministre italien de la Fonction publique, Renatto Brunetta (1) , celle de la campagne Sisley, marque de prêt-à-porter affiliée au Groupe Benetton, réhabille la façade sur une bonne partie de sa largeur et toute sa hauteur. Ce qui « crée l’événement », c’est le heurt chic et choc avec des « images fortes et provocatrices » comme disent les fervents de la culture pub, photos de mannequins amaigries et languides, qui, dans cette braderie des trésors patrimoniaux au bénéfice d’une marque, « communiquent » au passant l’agressivité gagnante-gagnante de la « griffe ». Le Maire de Venise, Massimo Cacciari, justifie cette publicité par la nécessité d’un sponsorat privé pour financer une rénovation du pont de l’Académie en faveur des handicapés, évaluée à cinq millions d’euros. Cinq millions d’euros qu’est-ce, quand on sait ce qu’un chef d’État européen dépense en frais de déplacements et de représentation ! Pour cette somme, donc, la privatisation de l’espace public et la métamorphose du palais ducal en support publicitaire géant. Ce choix qui manifeste la collusion d’intérêts politiques et économiques, trahit le mépris du Pouvoir (l’Italie n’étant pas seule en cause) à l’égard de la vie intellectuelle et culturelle.
Lire la suite sur Pierre Bourdieu un hommage http://pierrebourdieuunhommage.blogspot.com/2010/01/eveline-pinto-venise-ete-2009-en.html
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